La crise globale liée au Covid-19 pose d’indéniables questions sociétales auxquelles il s’agira de répondre. À l’échelle des organisations, elle va très vite poser des questions essentielles aux individus qui les composent et à leurs dirigeants, en premier lieu.
Si le phénomène de transformation des organisations vers des modèles moins hiérarchiques, davantage structurés en réseaux, largement basés sur le virtuel et agiles était en déjà une réalité pour certaines, gageons que la crise actuelle sera un formidable accélérateur de ce mouvement, s’il ne s’agit pas carrément d’une des clés de sortie de crise.
De l’impératif de se réinventer
Quelles seront les organisations qui sauront se repenser et faire face à cette nouvelle réalité? Celles vraisemblablement qui iront vite et qui sauront changer leur modes opératoires et/ou leurs produits et services. Celles qui deviendront résilientes à de probables heurts ultérieurs également. Or ce sont là toutes des caractéristiques que l’on prête souvent justement à ces nouvelles organisations.
Ainsi, le confinement, avec le passage massif au télétravail, a d’ores et déjà vu l’avènement d’une nécessaire confiance au détriment du modèle axé sur le contrôle. Face à la nécessité d’hyper-réactivité, les modèles trop verticaux sont clairement handicapés, de par leur temps de réactions. Hyper-responsabilisé, le travailleur a dû ces dernières semaines retrouver ses marques et sa routine, soutenu idéalement par des contacts fréquents avec son organisation. D’ailleurs, nombres d’organisations, presque surprises, saluent déjà les résultats plus que positifs d’un tel mouvement. Cette première étape est un prérequis d’une suite possible esquissée ici.
L’exigence de s’appuyer sur les équipes, tant au niveau opérationnel que stratégique, va constituer un des prochains challenges. Quel dirigeant, voire quelle Direction, peut se prévaloir aujourd’hui de parvenir à embrasser la complexité des défis qui l’attend? Il s’agira d’aller à l’essentiel, optimiser, couper, réorchestrer dans un mouvement de digitalisation accéléré. Le tout probablement avec des équipes encore bien souvent interagissant à distance. Face aux enjeux, peut-on faire l’économie de l’intelligence collective?
Dans ce contexte, se réinventer ce sera aussi essayer, se planter et recommencer. Alors que la montre tourne y’aura-t-il d’autres options qu’un accueil positif des écueils pour avancer? La dynamique devrait favoriser le fameux leadership bienveillant. Cette ouverture aussi à une vulnérabilité qu’on cache encore trop souvent derrière un vieil impératif de force et de perfection.
Vers une redéfinition des rôles et responsabilités
Dans cet environnement volatile, incertain, complexe et ambigu, l’exigence d’agilité favorisera espérons des approches managériales plus humbles, mais néanmoins inspirantes. « Non, on ne sait pas, cela étant dit, on a une vision claire d’un futur et 3 scenarii pour le mettre en œuvre ». Sous des airs très pragmatiques, de tels propos sont encore rares. Ils vont exiger des postures nouvelles de la part des dirigeants que cela soit à l’interne ou à l’externe. Leur capacité à assumer leurs doutes et leur méconnaissance, à apprendre aussi de leurs erreurs et à se relever seront clés.
Or la nécessité pour les plus hautes sphères de donner le cap, d’envisager le futur va devenir centrale. Il s’agira de guider des individus, parfois voire le plus souvent isolés, dans la bonne direction et leur permettre de prendre les bonnes décisions sur le terrain, au jour le jour. Le cadre, lui, n’est plus là pour distribuer les tâches et les contrôler, mais pour être un coach d’équipes hyper-responsabilisées. C’est à lui que reviendra, comme ces dernières semaines, la tâche de gérer les anxiétés et la désorientation. Il lui reviendra, au fond, de mettre en place les conditions de travail propices à la performance. Côté collaborateurs, enfin, cette responsabilisation pourrait être un formidable vecteur de sens et de motivation. Fédérés autour d’un objectif commun, ils devraient être les vrais artisans du changement. Ceci pour autant que les visions prennent la substance qu’on leur reproche souvent de ne pas avoir. Réduire les coûts ou augmenter les revenus n’étant pas des visions au sens où on l’entend ici.
L’opportunité de changement liée à l’urgence
Le challenge est donc de taille. Les dirigeants qui doivent d’entrer dans une forme de lâcher-prise inspiré et les collaborateurs sont propulsés artisans du futur. En regardant nos organisations, nous savons à quel point nous ne sommes qu’au début d’un tel chemin. Et pourtant, the time is now ! Car en termes de gestion du changement, l’urgence, ingrédient clé du succès de ces démarches, est là! Traverser cette crise pourrait ainsi s’avérer une formidable opportunité pour chacun de grandir.
Alors, si repenser le système n’était pas qu’une affaire de DG, mais une manière de réengager les troupes vers l’entreprise de demain? Les mois qui viennent seront très difficiles. Peut-on redonner du sens? Faire émerger les opportunités ? Cette fois-ci, gageons que le développement organisationnel, souvent relégué au rang des nice to have, pourrait devenir un levier clé. S’il n’est pas carrément LA voie de la survie.
Et vous? Comment allez-vous vous y prendre? Quels aspects vous semblent les plus difficiles? Partagez vos réflexions et vos questionnements avec nous!
Anne Grandjean est directrice générale adjointe et consultante senior chez Vicario Consulting.
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